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10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 15:58
La Rando  44

La Rando 44 vous intéresse? Je reçois si peu de commentaires sur les autres textes, que je me demande si j'ai intérêt à continuer. Qu'en pensez-vous?

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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 07:54
Rando en pays grassois

~~Les Rapports du Capitaine Rando 43 Magnosc, en pays grassois, le tunnel. Sur l’autoroute, après la sortie de Nice, un ciel assez gris, prolongé par une ligne compacte et sombre, accrochée sur les sommets des Alpes, faisait craindre une mauvaise surprise. Un doigt de soleil creva la masse moutonneuse pour éclairer une haute falaise, et la peindre en rose, comme un immense bonbon. Le moral remonta, avec la couche nuageuse qui se désagrégea en formant des marbrures mouvantes, sur le vert foncé des pentes boisées. En plus de la riche odeur d’humus, un parfum délicat de mimosas venait nous enchanter. Et le temps qui filait, sans avoir à consigner quoi que ce soit. Dur… Arrive le moment tant attendu : le piquenique. Les plus affamés jetèrent leur sac à l’emplacement le plus agréable, laissant le sautres se répandre sur une pente garnie de ronces et de salsepareille. Tout semble normal mais… Plantons le décor. Là, sur votre gauche, assis sur une sorte de suppositoire, Belles Bretelles, l’œil confiant et innocent, tend la main vers la cuisse de poulet qui lui est offerte. Il anticipe déjà son plaisir. Ses dents se mettent à saliver. Il tient le pilon d’une main ferme, ouvre la bouche, les narines largement déployées, quand sur sa droite, une voix mielleuse sussure à l’oreille incrédule : - Tu me donnes la moitié de la cuisse, je te donnerai… une partie de mes lentilles… La voix suave et enjôleuse aurait tout aussi bien pu dire à un quidam de passage : - Tu montes chéri ? L’expérience, pourtant aurait dû tirer la sonnette d’alarme. Elle n’en était pas à son premier coup, la bougresse ! Belles Bretelles résista, mais comment résister à cette Lorelei des temps modernes et à son chant ensorceleur ? Comment ne pas tomber dans le piège de la séductrice si machiavélique ? Rien. Il n’aurait rien pu faire. Le combat était inégal dès le départ. Oui, Belles Bretelles, après tout n’est qu’un homme, rien qu’un homme. La prédatrice se saisit de la partie la plus goûteuse et, ajouta, comme si elle se séparait des bijoux de la couronne : - Tiens, c’est une bonne salade de lentilles, faite par moi… Ben oui, qu’elle est froide, et ça, ce sont des morceaux de jambon maigre. Quoi ? Tu voudrais pas des lardons, des fois ! La victime, accablée, sanglota : - Personne, depuis mon service militaire, ne m’a obligé à manger des lentilles, non personne, même pas ma chère mère… - Tu dis quoi, là ? Tu en veux une deuxième portion ? Tu serais bête de te géner, pas de ça avec moi, allez, tends-moi ton assiette. Navrant. Réellement navrant. Après la traversée d’une forêt sombre, une pente glissante nous mena sur un chemin créé par les romains pour y implanter un aqueduc. Un belvédère bien placé nous dévoila tout le pays grassois, jusqu’à la mer que l’on devinait par un scintillement, à l’horizon. Le groupe avait disparu, pendant cette contemplation. Où était-il ? Un élément de réponse nous glaça en arrivant à l’entrée d’un tunnel : des bandes rouge et blanc croisées en interdisaient l’entrée. Une pancarte prévenait : Interdit de passer, trous dans le chemin. Le groupe serait passé outre et aurait sombré dans une faille ? L’intrépide LMU souleva la fragile barrière et lança avec panache : - Allez, on me suit ! J’ai du matos ! Joignant le geste à la parole, la Présidente sortit une lampe frontale du bonnet droit de son Wonderbra à suspension. - Zut ! Mes piles sont mortes ! L’eau ruisselait sur les parois, les pieds pataugeaient dans une boue glacée. La peur, elle aussi, faisait son chemin… Toujours pas de groupe. Serions-nous les seuls survivants ? Nous avancions dans un noir d’encre. Des propos étranges furent échangés dans cette noirceur anonyme. A qui appartenaient ces voix déformées par l’écho ? - Donne-moi la main, baisse la tête… La main, j’ai dit, pas ton doigt, la main… T’es sûr que c’est ta main ? Que c’est ton doigt ? Tu as une crampe ? Là, franchement, on dérape. Les propos entendus n’ont pas place dans cette rubrique bcbg. La postérité risquerait de nous juger sévèrement… On retrouva le groupe, en train de se faire les poches, pour savoir s’il n’y avait rien à se mettre sous la dent… On s’en souviendra du tunnel ! Gérard Stell

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 15:48
La digue

~~La digue

Lentement frémit son pouls sous l’hiver sournois,

Son corps long entaille la glace qui la mord

Et la fouaille dans un combat à mort ;

Sur son flanc, sur sa crête, hurle le vent du noroît.

Par sa griffe excitée, la vague laboure les creux,

Cingle la cuirasse moussue de la digue haletante,

Décuple la fureur de la marée montante

En un ultime assaut aveugle et monstrueux

. Les lames salées explosent, arrachent la terre meurtrie

Qui se convulse en dérobant ses plaies béantes,

Les cieux et la mer unissent leurs poignes géantes,

Ivres de ravages, avides de sonner l’hallali.

La digue blessée résiste, s’accroche et se tait,

Elle dresse son front aux infâmes crachats d’écume,

Oppose sa fierté aux grands tourbillons de brume,

Dors enfant innocent, je souffre, mais je tiendrai. Gérard Stell

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 15:37
Musique de l'au-délà

~~La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. Ludwig van Beethoven 4 Musique d’un autre monde

La petite fée aux grands yeux verts terminait son deuxième tour du lac de Gérardmer. Elle alla s’asseoir sur un rocher plat qui saillait dans l’eau calme. Le soleil couchant embrasait les vitres des hôtels à l’autre extrémité du lac. Elle regarda sa silhouette projetée sur le miroir translucide et s’amusa à balancer la tête pour en suivre les mouvements. Un banc de petites perches sembla s’en amuser aussi, en suivant l’ombre mouvante. La petite fée fit un signe de la main, ce qui incita les poissons à virer de direction, pour se fondre dans l’eau plus profonde. Elle resta immobile, plus interrogative qu’attristée. Le discours de la mère de toutes les fées, Ida la Généreuse, l’avait d’abord troublée, puis elle eut la tentation de protester. Très vite, elle comprit que c’était inutile, qu’elle irait à l’encontre d’une volonté supérieure. De toute façon, une petite fée ne se rebellait pas, car cela ne se faisait pas, tout simplement. Et puis, les arguments furent présentés avec tant de douceur et d’espoir aussi, que la sanction s’imposa d’elle-même. Il suffisait d’attendre un peu, lui expliqua Ida. Il fallait apprendre à dompter l’impatience. - Profites de ta présence dans cet endroit que tu ne connais pas, noue de nouvelles amitiés. Tu en auras peut-être besoin dans le futur. Ce lac est si beau, apprends à l’aimer, il te le rendra. Après une hésitation, elle ajouta : -Tu auras une surprise, une bonne surprise, si tu sais patienter. Il te suffit de rester confiante, n’est-ce pas ? Assise sur son rocher, la petite fée laissait son imagination vagabonder. Une surprise ? En rapport avec le marcheur ? Serait-ce possible ? Elle ne l’avait rencontré qu’une seule fois, une fois qui aura suffi à graver le visage du marcheur, dans son cœur et dans son esprit. Elle y pensa si fort, là, assise sur le rocher, qu’elle crut l’apercevoir, juste sous la surface du lac. Elle céda alors à un réflexe irrépressible. La petite fée aux grands yeux verts saisit le filet laissé par un pêcheur, au fond de sa barque. Elle se dressa et d’un geste ample, jeta le filet comme s’il s’agissait d’un épervier. Elle attendit, pleine d’un espoir irraisonné et tira sur les mailles. Le filet ramena des herbes et de nombreuses gouttelettes. Elle y crut jusqu’à la fin, mais dut se rendre à l’évidence. Elle n’avait capturé qu’une illusion. L’attente avait été si forte, l’émotion si brutale, que la vue du filet vide l’écrasa. Elle éclata en sanglots, serrés, brûlants. C’était la première fois qu’elle pleurait. Elle crut se vider, elle crut que sa vie s’écoulait en traçant un sillon vers le lac. Un banc de gardons l’observa. Les poissons aux belles nageoires rouges encourageaient la petite fée, en ouvrant la bouche, d’où sortaient de nombreuses bulles d’air. Seul un esprit bien instruit aurait su comprendre les paroles d’apaisement des gardons. La petite fée se calma, les larmes se tarirent, en même temps qu’une grande lassitude lui tombait sur les épaules. De longs soupirs saccadés agitaient encore sa poitrine, quand elle sentit une main se poser sur son bras. Etonnée, mais pas effrayée, car elle était invisible aux yeux des humains, elle tourna la tête, et vit un bien étrange personnage. Certes, elle connaissait bien Clopin et Clopan, les deux lutins, qui souvent lui jouaient des tours, mais le personnage debout à ses côtés ne ressemblait en rien aux deux garnements. Il était un peu plus grand que les lutins, avait un visage à la peau pâle, entouré de cheveux blonds ondulés. Ses yeux, d’un bleu intense, pétillaient de gentillesse. La petite fée aux grands yeux verts savait par Ida la Généreuse que le massif des Vosges était habité par de nombreuses petites fées, comme elle, mais elle n’avait jamais entendu parler de grand lutin blond. Pourtant, la mère de toutes les fées devait bien savoir, non ? - Alors, il est fini ton grand chagrin ? La petite fée ne répondit pas, encore trop étonnée pour parler. - Ton chagrin t’aurait aussi coupé la langue ? Tu pourrais peut-être me dire bonjour, pour commencer. - Mais… je ne te connais pas, qui es-tu ? - Voilà, c’est mieux, ça aurait bien été ma chance de rencontrer une petite fée muette ! Qui suis-je ? Hélas, je ne peux pas te répondre, c’est un secret… - Un secret ? Tu me fais marcher, ça n’existe pas, pas entre nous. Je n’ai jamais entendu parler de toi, alors, raconte-moi. - Te voilà bien remontée maintenant. Fini le chagrin, place à la curiosité ! - Ne m’en veux pas, je me croyais seule. Ton apparition est tellement surprenante… - Vois-tu, je te suis depuis le premier jour de ton arrivée. Je fais le tour du lac, sur tes talons, une fois dans un sens, ensuite dans l’autre sens. Je te regarde, et je vois bien que tu es triste. Tu as été punie, non ? - Oui, mais je ne dois pas en parler. Ida la Généreuse me l’a interdit. - Ah oui, Ida, je ne la connais pas, mais on dit qu’elle est très bonne, qu’elle est la mère de toutes les fées. Elle est donc ta mère ? La question surprit la petite fée. Elle fronça les sourcils et haussa les épaules, prise de court. - Bien sûr, puisqu’elle est la mère de toutes les fées, drôle de question. Toi aussi tu as une mère, non ? Le visage du petit homme se ferma, ses yeux brillèrent. Il tourna la tête sur le côté et s’absorba dans une vision intérieure. Il soupira, et en se retournant, dit à voix basse : - Je ne sais pas si j’ai une mère. Tu sais, cela fait si longtemps que je suis ici, que je ne me souviens pas. Pourtant… - Pourtant quoi ? Dis-moi, c’est entre nous. - J’ai parfois un rêve, toujours le même, chaque année… On m’appelle dans la nuit. Hansi, Hansi, que j’entends. J’ouvre les yeux, mais je ne sais pas si c’est en rêve, ou pour de vrai. Je vois le visage si beau d’une femme aux longs cheveux blonds. Je vois beaucoup de peine et d’amour dans son regard. Je tends les bras pour l’attirer à moi. J’entends alors, une voix d’homme, grave supplier : - Je t’en prie Ingrid, cela suffit, tu vas finir par réveiller notre Hansi. Tu reviendras l’année prochaine, promis. On s’en va maintenant. Tu as un long voyage jusqu’à la Forêt Noire. - Comme c’est étrange… Mais alors, ta mère s’appellerait Ingrid ? Et toi, Hansi ? Ce n’est peut-être pas un rêve, tu sais. Et même, souvent, les rêves ne sont que des messages qu’il faut savoir écouter et comprendre. Je connais donc un Hansi, en plus d’un Clopin et d’un Clopan. Que veux-tu faire Hansi ? Il montra le lac du doigt, puis les sommets boisés. - Je vais te faire les honneurs du lac, de ses environs et nous monterons jusqu’aux chaumes, voir les chamois. Je suis ton guide. - Euh, oui, mais je ne dois pas m’éloigner trop, ce serait grave ; - Pas de problème, je connais les limites permises. On y va ? Tiens, tu connais ces poissons qui nous regardent ? - Non, ils sont drôles, on dirait qu’ils ont un pyjama à grosses rayures vertes. - C’est rigolo ce que tu dis, ce sont des perches, et les autres là, avec les belles nageoires rouges, ce sont des gardons. Tu vois là-bas ces cercles qui se forment à la surface, ce sont les carpes qui fouillent le fond Un peu plus loin, ils observèrent la précision d’un martin-pêcheur au plumage riche en couleur. - Oh ! une cigogne grise ! Mais non, c’est un héron cendré, il cherche des poissons ou des grenouilles. Viens, on va monter dans les chaumes. Ils montèrent les pentes raides en s’amusant à louvoyer entre les arbres élancés. - Tu vois ce feuillage magnifique ? Ce sont des érables sycomore, leur présence veut dire que nous sommes à plus de 1100 mètres d’altitude. On arrive aux chaumes. Une vaste étendue d’herbe serrée et courte recouvrait tout le sommet de la montagne. Quelques touffes de fenouil sauvage agrémentaient l’uniformité du paysage. Une harde de chamois paissait, regroupée autour de femelles observant les environs. - Qu’ils sont beaux ! Les petits qui se donnent des coups de tête sont trop mignons ! Lorsqu’ils revinrent vers le lac, la petite fée ne tarissait pas de remerciements. Elle avait découvert un monde nouveau et avait appris à reconnaître tant de choses inconnues. Hansi, lui, bombait le torse, fier d’avoir su intéresser la petite fée ; - Dis-moi, petite fée, si moi je m’appelle Hansi, il faudrait que toi aussi tu aies un nom, ce serait plus pratique, tu ne crois pas ? - En voilà une idée curieuse… Mais tu as raison. Seulement, je n’ai jamais eu de nom particulier, alors… - Ecoute, je vais t’en proposer un, tu vas l’essayer et tu le garderas s’il te convient, d’accord ? - Tu proposes quoi ? - Je pense à Gladys, il me semble que ce nom te va très bien, non ? - C’est une étrange sensation d’avoir un nom. J’aime… Le soir venu, Hansi s’était évanoui dans l’obscurité du sous-bois. La petite fée aux grands yeux verts avait retrouvé sa place sur le rocher plat où elle pouvait rêver du marcheur. Un pétillement dans l’air, précédé par un léger mouvement d’air, lui annonça une visite. L’image d’Ida la Généreuse se matérialisa à côté de la petite fée. - Tu rêves petite fée ? On m’a dit que tu avais passé d’agréables moments en compagnie d’un grand lutin blond. - Oh oui, j’ai appris et vu tant de choses avec Hansi, c’est son nom ! Tu le connais ? - On en parlera plus tard. Je suis venue pour la surprise promise… Tu pourras passer un moment à l’étang du Devin. Tu viendras dès que la lune sera bien formée. - Et… il… - Et, eh bien, tu verras… Le chemin ressemblait à un long ruban blanc, inondé de lumière lunaire. Des yeux rouges et jaunes suivaient la démarche légère de la petite fée, qui arriva par le sentier à gauche de l’étang. Il y avait quelque chose d’inconnu dans l’air de la nuit, des bruits et des odeurs qui interpellaient tous ses sens. Quelle ne fut pas sa surprise en apercevant un halo de lumière à l’extrémité normalement inaccessible de l’étang du Devin. Cette lumière l’attira. C’était plus une invitation pressante qu’une contrainte. Elle découvrit avec stupéfaction le jardin secret, les magnifiques lupins, les œillets odorants, et les fleurs jaunes des discrètes épervières. Elle crut défaillir en découvrant le marcheur assit sur un banc, adossé à un grand sureau. Le marcheur l’aperçut, ses yeux se mouillèrent de larmes. Il lui sourit et lui tendit les bras. Ils ne se connaissaient pas, ne s’étaient vus qu’une seule fois, pourtant, la petite fée aux grands yeux verts vint s’asseoir. Elle cala sa tête dans le creux de l’épaule du marcheur, confiante, comme s’ils s’étaient toujours connus. Leur cœur battait très fort, au point de leur couper la respiration. Les pulsations se calmèrent, et lentement, les deux battements de cœur se fondirent en un seul. La petite fée murmura : - J’avais si peur de ne pas te revoir, je t’aime tant… - Moi aussi, j’ai eu si peur de ne pas te revoir, moi aussi, je t’aime tant… A cet instant magique de bonheur immense, unique dans une vie, un phénomène étrange prit place. Un silence inconnu recouvrit l’étang. Il y eut d’abord un friselis qui effleura la surface de l’eau, puis, un pétillement dans l’air, comme l’étang devenait une coupe géante de champagne. Un grand tapis bleu, fait de volutes s’éleva à environ un mètre de la surface du Devin. Des formes se matérialisèrent pour devenir d’une netteté incroyable. Il y avait là tout un orchestre en uniforme de chasseurs alpins bavarois, en attente du signal du chef, un jeune lieutenant à l’épaisse moustache. La baguette fouetta l’air et donna le signal. Alors, s’éleva dans la nuit étoilée des Vosges, un hymne à la nature, un plaidoyer pour la paix. La Pastorale de Beethoven monta vers les cieux. Une grande douceur contemplative répondit à la joie des paysans réunis, secondés par les hautbois, les bassons et les cors Les flûtes piccolo et les trombones annoncèrent le fracas et le tumulte de l’orage, dans l’allegro du 4ème mouvement. Un silence impressionnant couvrit les derniers instants de la tempête. Les musiciens et le chef d’orchestre restèrent figés, en attente. Il y eut un murmure parmi les arbres, les branches s’agitèrent. Une silhouette à l’allure décidée se détacha du fond noir de la forêt. Un jeune lieutenant français des chasseurs alpins, coiffé de la tarte, crânement plaquée sur l’oreille, s’avança. Il salua le chef d’orchestre, rejeta les pans de sa cape sur les épaules, prit la baguette qui lui était tendue. Il se tourna vers les musiciens, attentifs, et d’un geste gracieux, commanda les mesures du 5ème mouvement, porteur de joie et de paix. L’étang du Devin venait de vivre eux miracles en une seule nuit. La naissance d’un amour puissant, pur et éternel. Une ode à la beauté de la nature et un cri de paix dans ce paysage témoin de tant de souffrances. Gérard STELL

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 15:26
Les lettres de la Cistude

Les chantiers de Jeunesse

~~Lettres de la cistude Cistude : tortue d’Europe, qui vit dans les marais et les ruisseaux. Carapace brun foncé, rayures et taches jaunes. Peut vivre plus de 50 ans. Se nourrit d’insectes, d’alevins, puis de végétaux. Plastron clair, avec motifs noirs. Elle est en voie de disparition dans l’Estérel. La cistude m’a dit

Je ralentis encore en apercevant la Maison forestière de Malpey, passai la seconde et obliquai vers la droite, vers la masse imposante du Mont Vinaigre. J’arrivai à une patte d’oie où plusieurs automobiles stationnaient. Je soupirai. Un peu de marche ne pouvait que me faire du bien pour me motiver. Bon, alors où ? A gauche, vers la tour de guet, ou vers la droite, plus sympathique ? Le rideau d’eucalyptus qui coiffait la crête, au bout d’une longue courbe, me décida. Un petit miracle s’opéra dès les premiers pas, sur la route goudronnée. La chape d’angoisse et de découragement qui m’oppressait depuis un certain temps, sembla se désagréger et se diluer, jusqu’à disparaitre. Je m’ouvris au chant frénétique d’un pinson, mes narines inspirèrent en longues goulées un méli-mélo de senteurs de thym, de lavandin, de résine et de fleurs d’eucalyptus. Contre toute logique, une vague euphorique m’accompagna jusqu’à un plateau d’où plusieurs chemins pénétraient le massif. Le friselis dans le feuillage des immenses eucalyptus se mua en une sarabande sauvage, sous l’effet d’un coup de vent de mer. Puis, les feuilles reprirent leur murmure, comme si de rien n’était. Le soleil vif, dans un ciel uniformément bleu, me brûlait la nuque. Cependant, dans ce ciel parfait, une barre d’un noir bleuté coiffait les crêtes, entre le Pic de l’Ours, et le Cap Roux, là-bas, vers l’Italie. Je ne voulus pas poursuivre sur le chemin de droite qui menait vers un sommet plat d’où j’aurais pu admirer la Méditerranée étalée de Menton jusqu’à Saint Tropez. Je ne voulais pas voir les pentes martyrisées par le dernier incendie, et le maquis à peine reformé autour des troncs noircis des chênes lièges aux branches curieusement tordues, comme si elles avaient voulu échapper à la morsure des flammes. La vie renaissait, pourtant, çà et là, les belles feuilles vertes, luisantes des jeunes pousses d’arbousiers se dressaient, en crevant la couche de cendre féconde. Des bruyères, aussi, sortaient de terre et annonçaient un message d’espoir. Je partis vers la gauche, sur le flanc est du Mont Vinaigre. Là, les pentes abruptes offraient au regard des fourrés d’autant plus impénétrables que des fouillis tentaculaires de salsepareille montaient une garde redoutable. Je dus vite me rendre compte que, si mes chaussures de ville avaient pu faire illusion sur la route goudronnée, elles rendaient à présent fidèlement les inégalités et les aspérités de la caillasse du chemin. Les éclats de rhyolite avaient une fâcheuse tendance à se dérober sous les semelles trop lisses. J’arrivai devant deux énormes rochers dont les sommets s’incurvaient au-dessus du chemin, à la manière de deux gredins décidés à faire payer un droit de passage au promeneur. Ce serait bien ma chance de me faire rançonner. Une petite voix me souffla « Il ne manquerait plus que ça ! » La chance ! Le mot était lâché. Mon euphorie se dissipa en quelques pas. L’environnement grandiose se fondit dans un grand flou. Je savais que j’allais être la victime d’une « contraction budgétaire », comme me l’avait dit le comptable, bouffi d’importance. Le plus vexant avait été de se l’entendre dire devant tout le monde, à l’heure du café, devant le distributeur. Et puis, après tout, quelle importance ? Je perdais mon temps dans cette société rétrograde. Déjà quelques contacts positifs m’incitaient à l’optimisme. Alors pourquoi ce soudain accès d’angoisse ? Le fait d’être seul ? Un sentiment d’inutilité ? Peut-être un peu des deux. A ajouter, aussi, un plaisir bizarre, presque morbide, une sorte de volupté à alimenter des crises de cafard, qui naissaient sans raison apparente. Je me disais, parfois, en ricanant, que j’étais un drôle d’individu. Un peu égaré dans mes pensées, je revins sur mon chemin, et constatai étonné, que le bleu du ciel avait viré au gris. Plusieurs coups de vent brefs, mais violents gonflèrent ma chemise. Un mouvement rapide, devant moi, me pétrifia. Trois silhouettes blanches, à la taille serrée, couraient le long du chemin, dans ma direction, animées d’un mouvement rapide de rotation. Des courants d’air soudains avaient soulevé la poussière pour donner vie à ce qui ressemblait furieusement à trois derviches tourneurs. Ce n’était que des tourbillons de poussière, mais d’une densité et d’une rapidité telle, que je crus être emporté dans une sarabande maléfique. Incapable de différencier entre la réalité et le fantasme, je sentis un cri d’effroi se former au fond de la gorge, lorsque les tourbillons s’immobilisèrent. Ils restèrent un instant en suspension, se gonflèrent et retombèrent en fine pluie, sur le chemin. De gris, le ciel maintenant se noircissait. De courtes rafales me fouettèrent, des rafales à la limite entre froid et fraicheur. Je frissonnai. J’évaluai le chemin parcouru et le temps nécessaire pour rejoindre l’abri de ma voiture. Il me faudrait presque une heure, et l’orage se rapprochait. Le ciel était noir au-dessus de Nice. Continuer me sembla plus logique. Il ne restait qu’une petite distance pour atteindre un plateau. Je devais, normalement, me trouver dans les environs de la tour de guet où je pourrais certainement trouver un abri. De hauts eucalyptus, plantés serrés, reçurent une gifle qui fit s’énerver les feuilles couleur vert de gris. C’est à cet instant que je vis les tuiles rouges d’une habitation. Je soupirai de soulagement, moins effrayé, maintenant, par la couleur d’encre du ciel, noirceur qui se propageait vers Saint Raphaël. Indécis, jusqu’à présent, le vent décida de souffler en continu. Je courus vers la maison, franchis un portillon avec un battant ouvert où un écriteau indiquait « Propriété privée. Défense d’entrer » Je vis un espace nu et les murs sombres d’une imposante bâtisse, dressée là, comme si elle montait la garde. L’endroit paraissait irréel, étrange. Les portes et les fenêtres closes par des volets recouverts de tôles rouillées, formaient un visage aux yeux borgnes et à la bouche grande ouverte. L’endroit était manifestement depuis longtemps désert. Je pus déchiffrer sur une plaque brisée, en marbre blanc, fixée au-dessus de l’entrée « Maison forestière de ». L’autre morceau de la plaque reposait, debout contre le mur, avec le reste du texte « la Duchesse ». Une grosse goutte d’eau s’écrasa sur le perron, puis une autre. Je me précipitai vers une maisonnette attenante et découvris avec soulagement, une porte ouverte sur une pièce obscure. J’avais finalement trouvé un abri, juste à temps. Le ciel noir déversa un mur compact d’eau, aussi bruyant que de la mitraille. De nombreux éclairs silencieux maintinrent une luminosité blafarde pendant de longues secondes, qui me permirent de me repérer. La pièce ne comportait qu’une fenêtre, griffée par des ronces exubérantes, une porte d’entrée, et un recoin enveloppant un arrondi, du sol au plafond. Deux matelas tachés, vestiges pathétiques d’une vie antérieure, occupaient tout le centre du sol en béton. Un baigneur, privé de ses bras et de ses jambes, fixait le plafond de ses yeux morts, à côté d’un tricycle sans roues. Une explosion d’une brutalité inouïe m’arracha un cri de stupeur. Je me couvris la tête de mes bras, dans un geste de protection enfantin. Ce fut le signal d’une orgie de coups de tonnerre, de déchirements lumineux, dans la noirceur du ciel, et d’un fracas de fin du monde. De violente, la pluie se transforma en cataracte. Secoué par le vacarme, démoralisé par ce contretemps, je ne trouvai rien de mieux que de me réfugier dans mes problèmes, pour encore mieux m’apitoyer. Dans ce genre de circonstances, je peux être si bon acteur dans le drame où je me vautrais, que je pouvais pleurer. Ce que je fis. J’avais faim. J’avais soif. J’avais froid. J’étais fatigué et je grelottais, et imaginais volontiers que la malchance me poursuivait Que faire ? Je me couchai sur un matelas et pris la position réconfortante du fœtus. Je m’endormis, sourd aux débordements de la nature. C’est en pleine nuit, vers deux heures que je me réveillai, transi, surpris par ce lieu et ce silence étonnant... Ah oui, la promenade, l’orage, la maison… Je me levai, hésitant. Serait-ce un rêve ? Appuyé contre le mur, je sortis la tête, étonné par la clarté. Une superbe pleine lune détaillait le moindre relief de sa blancheur laiteuse. Que faire ? Rester là et attendre le jour ? Ou mettre à profit cette visibilité pour retourner à la voiture, et rentrer à l’appartement ? Mieux valait se mettre en route et me réchauffer en marchant, et profiter du reste de la nuit dans mon lit. J’avançai de quelques pas et m’arrêtai net, comme tétanisé. Là, devant moi, à quelques mètres, une…femme me tournait le dos, assise sur un bloc d’estérélite. De longs cheveux noirs descendaient jusqu’au milieu de son dos. Un bandeau aux reflets phosphorescents lui ceignait la tête. D’après ce que je pouvais voir, la jeune femme portait une jupe qui lui arrivait aux chevilles, et un chemisier à fleurs. Cette vision, à elle seule, aurait déjà pu me sembler fantastique, en pleine nuit, dans cet endroit désert de l’Estérel, mais… Ce que mes yeux refusaient d’admettre, mes oreilles l’entendirent. Je restai immobile, bouche bée. La femme…la créature chantonnait ce qui ressemblait à une berceuse, à un auditoire qui me laissa pantois. Répartis dans un grand arc de cercle, une vingtaine, ou plus, de lapins, oreilles dressées, écoutaient le chant, les narines frémissantes. Les oreilles se rabattirent lorsque le chant cessa, sur un rire amusé. J’eus la conviction que tous les yeux brillants convergeaient vers moi, que j’étais la cause du rire, puis du silence. Je n’aurais eu que quelques pas à faire, pour me présenter, et briser ainsi une tension qui allait devenir gênante. Mais n’allai-je pas l’épouvanter, si je lui parlais, alors qu’il était évident qu’elle se croyait seule. Enfin, seule, avec les lapins. Il ne me vint pas une seule seconde, à l’esprit, que mon raisonnement frisait la folie. Se présente-t-on, en pleine nuit, à une assemblée de lapins qui écoutent une berceuse ? Ce n’était pas sérieux ! D’ailleurs, aurais-je voulu m’avancer et parler, que je ne l’aurais pu. Une poigne invisible me serrait la gorge, me paralysait les jambes. Une certitude s’imposa. Quelque chose de puissant venait de se saisir de moi. J’étais tombé sous le coup d’un charme, frappé par une vision extraordinaire. Immobile, muet, je voulus me débattre, échapper à une forme de panique faite d’angoisse, et en même temps, d’un autre sentiment, fort et doux à la fois. Je secouai la tête, comme hébété. Je vis le matelas d’où j’avais roulé sur le béton, en me débattant, certainement, et le soleil qui frappait le pignon de la maison forestière. Seul un vague chuintement dans les feuillages, ainsi que des chants d’oiseaux, venaient agrémenter la solitude de l’endroit. Je me frottai le visage, en insistant sur les yeux que je massai du pouce, jusqu’à ce que ma vision soit peuplée d’une multitude de phosphènes vibrionnants. Ainsi donc, j’avais rêvé. Rêve étrange, mais si beau… Le soleil avait reconquis le ciel, un ciel de carte postale, à l’azur profond. Je m’avançai dans la cour, devant la façade de la maison, les sourcils froncés. Le bloc d’estérélite se trouvait bien là où je l’avais vu cette nuit, dans mon rêve, face à de nombreux cercles dessinés dans l’herbe rase. Curieusement, ces cercles d’herbe roussie étaient couverts de crottes de lapin. Et alors ? Serait-ce une preuve ? Une preuve de quoi ? Ce que je voyais maintenant au grand jour pouvait très bien avoir été présent la veille, et je ne l’aurais pas vu, dans l’obscurité naissante, et dans la hâte de me mettre à l’abri. La pluie de la nuit, rejetée par une terre gorgée, cascadait sur les pentes, en filets plus ou moins importants. Une forte odeur de verdure revigorée saluait le soleil. C’était un matin lumineux qui ne pouvait en aucun cas alimenter un quelconque mal de vivre. Jamais je n’aurais imaginé que je pourrais tant apprécier ce spectacle de la nature et me sentir si bien dans cette solitude apparente. Au moins, cet intermède hors du commun, m’aura permis de découvrir une facette cachée de mon caractère. Tout le massif bruissait de milliers de filets d’eau, si heureux de dévaler les pentes, si fiers de se tortiller au soleil. Un son plus fort, plus sourd, d’un chant plus riche dominait cependant. Je tendis l’oreille. Oui, cela venait de la pente, à gauche, derrière deux arbres fruitiers, des pruniers, il me semble. Ce devait être une cascade bien alimentée, à voir absolument, car si rare dans ce massif caillouteux. Un chemin au bout du terre-plein descendait vers une restanque où, sans doute, les occupants de la maison forestière cultivaient des pommes de terre et des céréales. Le bruit se concentrait vers un bouquet de mimosas envahissants et d’autant plus conquérants qu’ils n’avaient plus à redouter la main de l’homme. Je vis, en m’approchant, de l’eau se précipiter entre deux rochers qui formaient une gorge, un passage forcé. Cette eau transparente, étincelante au soleil, tombait d’une hauteur d’un mètre environ, dans un bassin réceptacle où elle se calmait. Les berges se resserraient ensuite pour jouer avec le courant. Ce n’était que notes cristallines, un enchantement pour les yeux et pour les oreilles. La tentation fut trop forte. Je pénétrai pieds nus dans l’eau fraiche et m’assis sur une roche plate. Depuis cette pente dégagée, je voyais le bleu profond de la méditerranée se confondre avec le ciel sur la ligne d’horizon. Je redevenais un enfant et balançais mes pieds tout blancs dans l’onde sinueuse. Des chapelets de bulles d’air s’accrochaient à l’extrémité de mes orteils en suivant mon mouvement de balancement. J’observais ces bulles se contorsionner dans un ballet aux amples figures de valse. Je crus voir une pierre bouger au fond de la poche d’eau. Je pinçai les yeux pour me concentrer sur cette pierre mouvante, lorsque je discernai des motifs carrés, bordés de noir. Avant d’avoir compris ce que je voyais, mon bras avait plongé jusqu’au coude. Je dus écarter les doigts pour pouvoir saisir la chose. J’avais saisi une tortue d’eau que je posai sur ma main ouverte. Une émotion intense m’empoigna. Je n’avais jamais tenu une tortue d’eau. La tête et les pattes s’étaient complètement rétractées sous la carapace dont j’admirai l’impeccable assemblage géométrique de carrés. Je ne pouvais me résoudre à reposer la tortue dans son élément. Alors, je me mis à lui parler. Je donnai à ma voix le rythme lent et le ton apaisant qu’on utilise pour parler à des bambins. Les mots sans suite, sans logique, sortaient avec aisance, du genre : bonjour, comment t’appelles-tu, où habites-tu, tu as des amis ou des parents dans ce ruisseau, quel âge as-tu, il fait beau ce matin, tu n’as pas eu peur de l’orage… A mon grand étonnement, plaisir aussi, je vis pointer un museau noir, avec deux narines bien dessinées. La tête avança encore et un œil apparut. Un œil jaune, méfiant, qui me fixa. Je m’empressai de la féliciter et me présentai, en affirmant, toujours avec le ton amical de la confidence, que je ne lui voulais aucun mal, que je voulais seulement faire connaissance. Me comprenait-elle ? L’affirmer aurait été grotesque, cependant, les pattes sortirent lentement et pendirent dans le vide, de part et d’autre de ma main. De longues griffes noires, luisantes, garnissaient chaque patte. Je la félicitai encore pour ses beaux ongles et lui demandai l’adresse de sa manucure. La tête sortit entièrement, puis un morceau de cou. Des rayures et des points jaunes décoraient sa peau. Le cou s’allongea et se dressa sans que les petits yeux jaunes ne quittent mon visage. Je n’aurais jamais imaginé qu’une tortue pouvait avoir un si long cou. La tête se balançait maintenant. J’en étais certain, il n’y avait plus de doute, la tortue m’écoutait. Cette constatation m’émut particulièrement. Je tenais dans ma main une vie, à priori sauvage, totalement confiante, captivée par mes paroles. J’avais épuisé mon lot de questions et de remarques décousues. Je la regardai et lui sourit. La tête de la cistude oscilla. Elle me dit : - Tu me rappelles quelqu’un. -.-.-.-.-.-.- L’histoire de Paulo et Pascaline

Je faillis la jeter, comme si j’avais tenu une pierre brûlante dans ma main. - Tu m’as parlé ? En même temps que je disais ces mots, une vague de honte m’envahit. Que se passait-il ? J’avais cru entendre parler une tortue, ce qui n’est pas commun, mais en plus, je lui répondais ! J’approchai mon visage plus près de ses petits yeux brillants, de ses narines si bien dessinées. Elle ouvrit la bouche et je pus voir une langue toute rose. Elle redressa la tête, qu’elle inclina sur le côté et, je le jure, j’entendis distinctement ces mots : - Oui, tu me rappelles quelqu’un, tu lui ressembles beaucoup. Le soleil me chauffait agréablement, le chant de l’eau me parvenait dans toute sa monotonie rassurante. Un rouge-gorge sautilla sur un rocher en me regardant, avec défi. Quel effronté ! Cette digression volontaire ne me servait qu’à ignorer les mots entendus. Je n’allais tout de même pas répondre à une cistude ! Elle allongea le cou et continua, ignorante de la valse de mes pensées. - Il s’appelait Paulo. Il venait d’avoir 18 ans. Veux-tu entendre son histoire ? Quelque chose en moi céda. Une tortue qui parle ? Et alors ? Peut-être que c’est normal dans cet endroit, ou alors, sans le savoir, je serais doué pour entendre une cistude ? Dans ce cas, pourquoi ne pas lui répondre ? En paix avec des objections éventuelles, je répondis, soulagé : - Oui, j’aimerais beaucoup entendre l’histoire de Paulo. Je t’écoute. La tortue bougea sur ma paume, de façon à bien faire reposer ses longues griffes noires qui pendaient dans le vide. - Je vais te parler d’une époque que tu n’as pas connue. Comme tu me vois, je ne suis plus toute jeune. Les tortues de ma famille peuvent vivre 50 ans et plus. Dis-moi, connais-tu les Chantiers de Jeunesse ? - Non, mais j’en ai entendu parler. C’était un genre de service militaire déguisé, voulu par Vichy. Une drôle d’époque. - Oui, j’étais bien jeune, certes, mais je connaissais beaucoup de choses de la vie. Quand tu es venu ici, tu es passé par le Gratadis, n’est-ce pas ? Je me trouvais, alors, dans le ruisseau qui se jette dans l’Agay. Un jour d’été, alors que tout était calme, que les cigales se répondaient, des camions sont arrivés. Commence alors un remue-ménage, tu ne peux pas t’imaginer. Il y avait des bruits, des cris. Le vacarme commençait à l’aube, et ne s’arrêtait que tard, la nuit. - C’était quoi toute cette agitation ? - Toute une bande de jeunes hommes, des garçons d’environ 19 ans, avec des chefs, plus âgés. - Que faisaient-ils ainsi, dans la nature ? - Ils avaient dressé des tentes, planté un mât où flottait le tricolore et un fanion. Leur mission : bâtir un campement en dur. Monter des baraquements en planches, sur des dalles en béton. Ils devaient tout faire, de leurs mains. C’était ça un Chantier de Jeunesse. - Que faisaient-ils ici, dans l’Estérel ? - Ah je peux te dire que les gamins ne chômaient pas. Lever aux aurores, salut au drapeau, ensuite au travail. Ils ont créé des chemins, construit des murs de soutènement, des petits ponts, et des retenues d’eau. D’autres travaillaient avec de grandes marmites. - Des marmites ? Pour faire de la soupe ? - Ah non, des grandes marmites pour faire du charbon de bois. - Pour en faire quoi ? - Du gaz, pour leurs camions, pour remplacer l’essence, et aussi pour faire tourner une petite centrale électrique. - Eh bien, organisés les petits ! Le grand confort, le grand air, le soleil, nourris et logés ! - C’est vrai, mais ils travaillaient dur, du matin au soir, et c’était discipline-discipline, tu peux me croire. - - Jamais je n’aurais pensé qu’il y avait eu cette population, là, dans ce massif. - Si tu veux, tu pourras voir les vestiges des marmites, mangées par la rouille, à l’emplacement où elles ont été utilisées. Il y aussi les dalles en béton, avec des dates et des initiales tracées dans le ciment. Il y a là, toutes sortes de signatures laissées par ces gamins bâtisseurs. - C’est passionnant, mais où est Paulo, dans cette histoire ? - J’y arrive. Tu n’es pas fatigué de me tenir ? Tu peux me poser, si tu veux. - Non, j’aime te regarder, tu me plais beaucoup. - Malgré ton air triste, je vois bien que tu es un charmeur ! Mais revenons à nos moutons, à Paulo. Tu as vu, avant d’entrer dans le massif, qu’il y a une grande ferme, sur la gauche, un peu cachée par la colline. C’est la même famille qui possède cette ferme et les terres, depuis des générations. Il y avait deux filles, au grand désespoir des parents, du père surtout, qui aurait souhaité avoir un garçon, pour continuer l’exploitation. La plus grande, Mireille, suivait des cours dans une école d’infirmière. La cadette, Pascaline, venait d’avoir son Certificat d’Etudes. Elle avait alors, 15 ans. - Je crois bien que tu vas me raconter une histoire dont les héros sont Paulo et Pascaline, je me trompe ? - Pas du tout, mais tu ferais mieux de m’écouter. Tu sais, il faut essayer de revivre cette époque, si trouble, et se glisser dans les personnages, avec une autre façon de penser… - Comme quoi, par exemple ? - La structure familiale, pour commencer. Le père tout puissant, la mère effacée et sans volonté propre, qui n’a jamais tenu tête à son mari. Et tu sais, la société n’était pas permissive, comme aujourd’hui. Le curé et ses sermons régissaient encore la vie des habitants… J’ai une petite faim, tu peux me donner un peu de cette mousse qui flotte devant cette roche ? Je me baissai, arrachai un long filament de mousse verte et la posai sur ma paume. La cistude l’avala par petites bouchées gourmandes. - C’était bien bon, je te remercie. Où en étais-je donc ? Ah oui, la mentalité d’alors. Donc, la petite Pascaline, belle comme un ange, venait souvent au camp, avec son vélo. Elle transportait dans un grand panier en osier, des œufs, de l’huile d’olive et du vin, pour les chefs, bien entendu. Parce que pour les jeunes, c’était plutôt pommes de terre et pommes de terre. Un jour, il yeut de grands cris qui venaient de l’emplacement des marmites. De l’épaisse fumée noire sortait de l’une d’elles. Des chefs sont arrivés, en hurlant. Ils ont jeté des seaux d’eau sur le couvercle et dans le trou de la cheminée, jusqu’à ce que la fumée devienne blanche. - Que s’était-il passé ? - Le jeune qui surveillait n’a pas fermé la trappe de tirage quand il le fallait, alors, le bois s’est enflammé, au lieu de se consumer. - Aïe ! Le jeune a dû se faire ramoner les poumons ! - Eh oui. Il était au garde à vous et en prenait plein les oreilles. Pascaline avait assisté de loin à l’incident. Elle s’est rapprochée et a vu que le jeune homme était livide et pleurait. - Paulo, tu seras de corvée pendant une semaine ! Maintenant dégage ! - Je crois bien qu’à cet instant, les yeux de Pascaline ont rencontré ceux de Paulo. Ils se sont fixés plusieurs secondes jusqu’à ce que le chef crie : - Tu vas te bouger ! Espèce de brêle, disparais de ma vue ! - Pascaline est montée sur son vélo, un pied à terre, l’autre sur la pédale, tournée vers le dos raide de Paulo. Il a senti ce regard et s’est retourné. - On dirait le début d’une histoire d’amour, ou je me trompe ? - Oui, une histoire forte, une passion comme seuls des cœurs purs peuvent l’éprouver. - Quand même, une fille de 15 ans… - C’est vrai, mais vois-tu, il y a des soifs d’absolu qui ne connaissent pas d’âge, et c’est ce qui s’est passé. - Je suis curieux de connaitre la suite, vraiment curieux… - Peu de temps après, Pascaline pédalait vers l’étang, dans la descente, après la maison forestière. Elle y allait souvent, pour rêver, les pieds dans l’eau et parlait aux canards. Ce jour-là, elle montait la côte, en poussant son vélo, quand elle vit Paulo, torse nu, qui rassemblait les pierres que la pluie avait fait rouler sur le chemin. Elle s’arrêta. Il entassait les pierres rouges devant une futaie d’eucalyptus uniques dans l’Estérel. Les seuls eucalyptus à fleurs roses. Paulo se sentit observé. Il se dressa, s’épongea le front et regarda Pascaline. - Bonjour, je suis bien content de te voir… - Moi aussi. Je sais que tu t’appelles Paulo, moi, c’est Pascaline. J’ai de l’eau qui est encore fraiche, tu veux boire ? Le soleil avait tourné. Je l’avais maintenant juste en face. Je devais pincer les yeux pour résister aux reflets cinglants de l’eau mouvante. Les paupières de la cistude se fermèrent plusieurs fois. Je la crus endormie, mais non. Elle allongea le cou. - Je viens de faire un petit voyage dans le temps, pour me souvenir, pour revivre ces événements… Le chef de Paulo s’étonna de voir le jeune homme toujours volontaire pour ramasser les pierres qui dévalaient continuellement la pente. Il se félicita de constater que Paulo se transformait, en bien. Ah, ils en passèrent des après-midis, assis sur le talus, en se tenant la main et à se murmurer de tendres mots. Jusqu’au jour où il n’y eut plus de pierres à ramasser, et que Paulo fut employé à des corvées de bois, pour alimenter les marmites. - Cela devient tragique, un amour contrarié, on dirait… - C’est un peu ça. Paulo devenait malade d’amour. La vie ne méritait pas d’être vécue s’il ne pouvait pas revoir Pascaline. Il dépérissait. Il ne pouvait plus supporter ce vide immense. Un soir, après l’extinction des feux, il décida d’aller jusqu’à la ferme, avec l’espoir fou de revoir son aimée. Malheureusement, deux chiens de garde, par chance enchainés, alertèrent les occupants par leurs jappements hystériques. Des lumières trouèrent la nuit. Le père sortit. Il s’avança dans le noir, il ne remarqua rien de particulier. - Encore ces satanés sangliers, la paix les chiens ! Camouflé derrière un arbousier, Paulo avait pu voir la silhouette de Pascaline se détacher sur une fenêtre, à l’étage. Il frotta son briquet trois fois, et attendit, certain d’avoir été vu. Toutes les lumières s’étaient éteintes, le calme était revenu, souligné par le cri triste de la hulotte. Une ombre claire se détacha de la façade noire. Pascaline s’avança jusqu’à l’arbousier. Ils se prirent dans les bras, sans prononcer un mot. C’était superflu. Ils étaient seuls au monde et ils s’aimaient. Le manège dura quatre nuits. - Je me prépare au pire… - On peut le dire. Comment le père fut-il averti ? Doutes ou concours de circonstances ? Toujours est-il, qu’une nuit éclairée par la pleine lune, il se mit aux aguets, au pied des escaliers. Il entendit Pascaline descendre, pieds nus, et il la suivit. Il n’eut pas à aller bien loin, car les deux amoureux étaient allongés derrière l’arbousier. - Je vois tout à fait la scène, je sens poindre la tragédie… - Le père leva sa fille en la tirant par les cheveux et la gifla de toutes ses forces. Il la tira ensuite comme si c’était un sac de pommes de terre. Il ne s’arrêta pas pour crier : - Toi, ton compte est bon ! Je me doutais bien de quelque chose ! Je vais voir ton chef demain matin, tu vas regretter d’être né ! Crois-moi, graine de potence, suppôt de Vichy ! - Comment va s’achever cette histoire ? - Paulo se retrouva aux arrêts, pour avoir quitté le camp de nuit, sans autorisation. Il resta ensuite désœuvré, le temps que les papiers de sa mutation dans un autre Camp de Jeunesse soient réunis. Il descendit chaque jour jusqu’au ruisseau où il mit à l’eau des bouts de liège, piqués d’un mât, où il accrochait des billets doux. Il avait entendu dire que Pascaline se trouvait chez une tante, modiste, à Toulon. Il savait que ces morceaux de liège seraient poussés par le vent d’est, jusque là-bas. Enfin, il le croyait, il l’espérait. - Que sont-ils devenus ? - Personne ne sait ce qu’il advint de Paulo. Sans doute avalé, broyé par la guerre. Quant à Pascaline, il se dit qu’elle aurait émigré au Canada. Aujourd’hui, quand la mer est agitée de petites vagues nerveuses qui viennent mourir dans la rade d’Agay, les anciens qui connaissent cette histoire, disent, en secouant la tête : - Tiens, c’est le vent de Toulon, le vent qui pousse les larmes de la petite Pascaline… A suivre… -.-.-.-.-

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 06:54

~~Les Rapports du Capitaine Rando 29 Le domaine des Grands Esclans Commençons par le commencement. Pulvérisons le mythe ! Qui croirait qu’on s’est déplacé rien que pour ses beaux yeux ? Heureusement que je me moque de la censure, pour oser témoigner. Sachez que la rouée sut utiliser un subterfuge vieux comme le monde, craignant ne pas avoir assez de monde pour sa rando. Elle confia à la plus bavarde de ses ouailles, en exigeant la discrétion absolue, qu’elle allait innover. - Vois-tu, dit-elle, en plantant ses mirettes dans celles de la pipelette, il faut oser, dans la vie. Alors, dès le soleil assez chaud, j’enlève le haut… - Tout le haut ? Complètement tout ? Avec plus rien dessous ? - Oui, mon amie, et ce n’est pas fini. Après la pause, après les mignardises, les chouquettes, les cuisses de poulet, j’enlèverai le bas, en guise de pousse-café… Vous avez compris. Le bouche à oreille fit le reste. D’où l’étonnement de ces dames, enchantées par l’engouement subit de leurs maris, pour la randonnée. Machiavélique, certes, mais qui pourrait croire l’incroyable, avec ce visage si innocent, et le rosaire à gros grains qui lui ceint la taille ? Elle semble d’ailleurs dépassée par ses méthodes d’intox, car elle se réveille, et demande : - Mais au fait, combien sommes-nous, aujourd’hui ? Bravo, Présidente ! Un peu plus, un peu moins, où est le problème ? Auparavant, notre Leader Maxima Unica, LMU, se prit pour sainte Louise, assise sous un chêne. Là, elle nous livra, en accéléré, l’histoire provençale, depuis les brontosaures ambidextres jusqu’aux premières dents de lait de Hildegarde, 3ème fille, d’un 2ème lit du Comte Boudiou de la Treille Sulfatée. Quelle prestation ! Que d’applaudissements pour célébrer la fin du laïus ! L’heure avançait. Les papilles gustatives s’affûtaient, les sucs gastriques se rassemblaient. A cet instant où les corps et les esprits se trouvaient dans un état de faiblesse, une voix sournoise distilla des petits bouts de phrase. - Et dire que pendant cette marche, elle mijote… Elle mijote depuis 4 heures… ce Qu’elle va être bonne… C’est bon une blanquette de veau qui mijote… Mais elle cherche quoi, cette Jacqueline ? Qu’on l’assassine ? Reprenons le fil de l’histoire. Le soleil devenait de plus en plus chaud, cependant, macache pour le haut et le bas enlevés ! Tout le monde avait oublié la promesse de la scélérate. Les feuillages cuivrés des vignes captivaient tous les regards. C’est là que Mireille frappa encore une fois. Souvenez-vous de sa méditation sur le regard des hommes, alignés dans une pissotière et qui « se la regardent » ! Hors donc, en ce 31ème samedi après Pâques, notre penseuse se demanda quel plaisir pouvait éprouver un homme à baiser des lèvres carminées. Réponse immédiate : change de sexe et tu comprendras. Sache que c’est très agréable… Non pas de changer de sexe, bien sûr ! Un arrêt édifiant à la Motte, sur le chemin du retour marqua les esprits : ses gendarmes, son église, son bar-tabac, à voir absolument, si vous avez des amis que vous ne voulez plus recevoir… Ensuite, arrêt sur un site : le saut des Capellans. LMU, des trémolos dans la voix, des larmes de crocodile dans les yeux, expliqua comment des protestants éclairés enseignèrent aux papistes les lois divines de la pesanteur. Enfin, clou de la journée : visite du castrum. C’était sans compter avec le sosie du père Dominici, tout de noir vêtu, le fusil de chasse bien en vue. - Halte ! On ne passe pas ! - Mais monsieur, on veut juste… - Juste rien ! Vous êtes sur mes terres, et j’ai du gros plomb à revendre ! La Présidente plaida, ce fut sa plus belle composition. Elle crut amadouer la bête en laissant entendre que nous avions l’intention d’acheter du vin. Malheur ! Le mafioso devint blême, il pointa son fusil - Y a pas de vin ! Je vends pas de vin ! C’est fermé ! - Mais c’est écrit, à l’entrée, ouvert jusqu’à 18 heures… - Nom de nom ! Mais je vais me le faire ce freluquet ! Le groupe se scinda en deux. Les inconscients allèrent visiter le castrum, au mépris de la chevrotine promise, les autres allèrent visiter le rayon vin du Géant Casino ! Gonflée la Présidente qui nous avait assuré avoir tout réglé avec le propriétaire du domaine ! Gérard Stell

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23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 07:11
La Sainte Baume

~~Les Rapports du Capitaine Rando 28 La Sainte Victoire En pays d’Aix, culmine à 1011 mètres. Peinte par Cézanne. Quel pacte inavouable, quel accord aux relents sulfureux, auront été passés avec LMU, notre Présidente, pour avoir droit à ce temps éclatant ? On peut se poser la question… Deux jours de ciel bas, des nuages ventrus, gris et noirs, riches de déluges sans fin, d’un vent gonflé d’âpres froidures. Et puis, aujourd’hui, ce ciel radieux, un soleil qui se tord de rire en voyant tous ces randonneurs couverts d’une riche couche de lainages ! Quel est donc son secret ? La danse des 7 voiles ? Ou alors, la bonne vieille méthode, à savoir allumer un cierge de 5 kilos ? Ne boudons pas notre plaisir et félicitons la, cela lui va si bien au teint et flatte tant son ego… L’automne nous la joue façon Berlioz : puissant et raffiné. Les essences à feuilles caduques nous offrent un kaléidoscope de couleurs changeantes et poignantes à la fois. Nous assistons au chant du cygne d’une végétation qui va tirer sa révérence, en attendant le printemps. Tout le monde arrive sur le parking qui surplombe la masse gris sale du barrage corsetant le lac de Bimont. Des regards inquiets se lèvent vers le sommet formidable. On se donne du courage. La montée est ardue. Certains s’arrêtent et s’épluchent comme des oignons, en enlevant des couches de vêtements, d’autres s’abreuvent, face à la plaine d’Aix. Tiens, que se passe-t-il ? Quel est cet émoi ? Ah oui, c’est le Grimpeux qui vient de s’apercevoir qu’il a oublié ses bâtons de marche, plantés lors de la halte précédente. - Oui, dit-il, très content de lui, j’ai dû m’isoler pour une petite vidange, je les ai laissés sous un arbuste. Redescendre, avec mon mal de hanche… Il a pris pour habitude de perdre ses casquettes, de se faire enfermer à l’extérieur des ruines, mais cette fois, il innove, le bougre. Veut-il que quelqu’un se dévoue pour aller récupérer les bâtons ? Non, minaude-t-il, sur un ton penaud et accablé. Il y met tout ce qu’il faut pour que le groupe se sente coupable. Proposer une collecte pour lui en acheter de nouveaux ne change rien au problème. On ne va tout de même pas se le coltiner sur le dos pendant la descente, au prétexte qu’il souffre de sa hanche ! Personne n’avait compté sur la réactivité de LMU qui se dit qu’il faut occuper le terrain. D’autant plus qu’il y a des nouveaux et qu’il faut leur en mettre plein la vue. Ils rentreront chez eux en chantant les louanges de la Présidente. C’est de la com ! - J’y vais, lance-t-elle, il ne sera pas dit que je laisserai un faible en plan ! Les anciens n’en croient pas leurs oreilles. Ce n’est pas son truc, la bonté. Ce serait plutôt d’achever les blessés et d’ignorer les cadavres. Un nouveau se joint à la foulée de LMU. On en reste coi. On sort les chronomètres. Le temps de savoir les utiliser, la voilà déjà de retour, elle décoche son sourire n°24 pour la photo. - Encore une, exige-t-elle, mon autre profil ! Et toi, le Grimpeux, tu vois ce que je fais pour toi, alors n’y prends pas goût, et ne nous fait pas le coup de ton dentier qui se serait échappé ! Le sommet semble reculer à chaque pas, c’est un supplice. La montagne exige son tribut, le groupe morfle. Une randonneuse tombe, elle s’écroule. Son regard bascule vers le sommet, vers la croix qu’elle ne verra pas. Peut-être n’avait-elle rien à expier, elle ? Ses pieds n’en peuvent plus. Ils sont sourds à toute rhétorique théologique. Une amie se dévoua pour rester avec la malheureuse. Le groupe continua, amputé de deux membres. Plus tard, assis au soleil, le ventre bien garni, l’incident fut oublié. Mais de qui parlaient ces deux randonneurs, étonnés et envieux ? - La vache ! T’as vu les nanas, ce qu’elles se mettent ! Mais t’as vu le pâté fait maison ? Et l’épaisseur des tranches ? Et cette odeur ! J’aurais pas dit non, si elles m’en avaient proposé ! - Ouais, et la bouteille de rouge, du Sainte Roseline, la vache, elles savent vivre ! Quelques aventuriers partirent à la recherche d’un gouffre. Ils revinrent exténués, le moral à zéro, une heure plus tard. - Alors, vous l’avez trouvé votre gouffre ? - Euh, oui… En fait, il se trouve à 20 mètres, juste derrière vous… saloperie de GPS… Encore une belle journée où on se dit que la vie est vraiment belle. Gérard Stell

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9 mai 2015 6 09 /05 /mai /2015 07:00
Marmites du Destel

~~ Les Rapports du Capitaine Rando 26 Les marmites du Destel. Gorges d’Ollioules Dans le Var, entre Bandol et Toulon Cela aurait dû alerter les moins méfiants. 08H25. Huit vaillants randonneurs attendent sur le parking du Puget. Mais où diable, sont les autres ? 08H31, arrive l’otage consentant de Moncousinmadi, notre LMU, pour ne pas la nommer. Contente, elle est très fière de son retard chronique. Elle jauge d’un œil hautain le petit groupe, et fronce les lèvres, comme si elle venait d’avaler deux jus de citron. L’instant est, semble-t-il grave. C’est vrai qu’on dirait Napoléon à Austerlitz, sur le plateau de Pratzen. Elle nous harangue, nous apprend, à notre grand étonnement que nous sommes les meilleurs, la fine fleur de l’Association. Elle est dans son rôle : elle ne manque pas de tirer affectueusement l’oreille d’une tête blanche, dit la Mitrailleuse, et de tapoter la joue de la douce Guenièvre. Puis, la voilà qui embouche un clairon virtuel, avant de réciter la liste des manquants, de ceux qui nous ont quittés. Elle a les yeux luisants de larmes habilement retenues. Elle égrène d’une voix brisée de sanglots et de trémolos, les noms des êtres chers. Pensez donc, 5 années de crapahutage, de marches forcées, de sang et de sueur, créent des liens plus forts que de simples attaches familiales. Un nuage gris obscurcit le ciel. Quelques gouttes glacées accompagnent l’énumération. C’est beau, c’est fort, c’est poignant. On se croirait un jour de novembre… aux pieds de l’Ossuaire de Verdun. … Belles Bretelles… Radio Coccinelle… la Gazette de Mauritanie… Filochard… Pace- coussi… Fragilitas… tant de braves, qui, croyant échapper aux marmites du Destel, ne réussirent qu’à tomber de Charybde en Scylla (Depuis le temps que je voulais placer cette référence !) 3 voitures suffirent à nous emmener, un convoi enrichi par l’équipe toulonnaise, menée par le fameux Moncousinmadi, jusqu’au parking de Châteauvallon. La randonnée commence par un parcours ombragé, dans le lit d’un oued. Tout est sec. Les gros galets blancs sont entassés, comme autant de crânes abandonnés. Les falaises s’élèvent et dominent de plus en plus. Les voix portent et résonnent. Puis apparaissent des traces d’eau, puis un filet, puis les fantastiques marmites, plutôt des vasques remplies d’eau claire où le soleil vient se baigner. Commence alors, une série d’escalades scabreuses qui permettent d’évaluer l’état des articulations. L’arrière-garde reste un instant figée devant une roche couverte d’une traînée de sang, qui coule lentement, en se divisant, comme les pattes grêles d’une araignée sortie d’un film d’horreur. Un drame récent ? La fluidité du sang le confirme. Que s’est –il passé ? Un carnassier se serait jeté sur un membre le plus faible de notre groupe ? On voit plus loin, se découpant sur fond d’azur, LMU, debout sur un dôme minéral. Elle gesticule. Elle rit. Ouf ! Fausse alerte. Il ne s’agit que du sang et des restes d’un randonneur solitaire. Comprenez que nous soyions soulagés ! L’endroit est beau, sauvage et oppressant. Les parois verticales nous dominent. Faut-il rebrousser chemin ? Non. Moncousinmadi, ce Leonardo da Vinci des circuits pédestres est là, sur un rocher, bras croisés, jambes écartées. Des yeux horrifiés découvrent alors une chaîne pitonnée dans une falaise verticale. Le choc est violent. Moncousinmadi tend l’index vers l’épouvantable sommet. Il tonne : - Regardez bien, de bas en haut. Il n’y a que deux types de randonneurs, ici, et deux seulement. Ceux qui montent, et ceux qui ne montent pas. Ceux qui veulent rebrousser chemin, ceux qui se tâtent. A vous de voir ! Les hommes se concertent, sourcils froncés, muscles des maxillaires saillants. - Les femmes d’abord, décidèrent-ils. Vous qui ne vîntes pas, vous ne pouvez pas le croire : tout le monde grimpa ! Une action de grâce fut entonnée, à pleine voix, au sommet… Mais que la route fut longue pour trouver une aire de pique-nique. Les toulonnais se moquaient de nos estomacs affamés : - Des fois, nous, on ne s’arrête pas, c’est le régime du Ramadan Weight Watchers ! C’est le régime Moncousinmadi, et c’est gratos ! Résultat ? On s’arrêta sous une ligne à Très Haute Tension, du 40 000 volts ! Les écolos fulminaient ! On dégusta toutes les régions de France, en blanc, rosé et rouge. Tout cela sous un intense grésillement de la ligne THT. Cris, rires, onomatopées diverses couvraient parfois ce bruit de Canal + crypté. P.S. Emportez toujours votre trousse de premiers secours. N’attendez aucune aide, aucune compassion de LMU. Elle vous proposera, au mieux, des pansements à utiliser avant février 1948. Elle vous « montrera » le flacon de spray, qui coûte si cher, pour soigner votre plaie. Ah, cette LMU ! Gérard Stell

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 15:53
Sexe au bureau

http://www.amazon.fr/fant%C3%B4me-Traviata-sexe-%C3%A0-lop%C3%A9ra-ebook/dp/B00BQLHZ7S/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1430751041&sr=1-5&keywords=kindle+gerard+stell

Cette nouvelle, très érotique, est secondée par une nouvelle qui devrait inspirer de nombreux souvenirs...

http://www.amazon.fr/Sexe-mohair-t%C3%A9lex-G%C3%A9rard-Stell-ebook/dp/B00C9P6TAE/ref=pd_sim_351_2?ie=UTF8&refRID=04EANHNWKNDCH0W63JZZ

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30 avril 2015 4 30 /04 /avril /2015 14:55
RANDO  25

Toute modestie mise à part, vous allez vous régaler avec le Rapport du Capitaine de ce samedi. Imaginez un train à vapeur, classé monument historique, qui emmène tout le groupe de rando dans un voyage hors du temps! Vous n'aurez plus qu'une envie: vivre vous aussi, cette expérience! A samedi... Montez dans le Train des Pignes...

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  • : Le blog de Gérard Stell
  • : Ce blog a pour but de me rapprocher de mes lectrices et lecteurs, de communiquer toute la fantaisie de mon imagination, qui, soyez en convaincus, ne veut pas connaitre de limites. Romans, nouvelles sont disponibles sur Amazon Kindle. Je vous parle également de mes activités de volontaire bénévole au sein des CCFF de Fréjus. Une visite de Metz et de ses environs, cadre de mon enfance, s’imposait, ainsi qu’un détour par un petit coin attachant des Vosges.
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